Pierre Semard, au-delà de l’hommage
82 ans après l’assassinat de Pierre Semard par les nazis le 7 mars 1942, en quoi son action résonne encore en ce premier quart du XXIe siècle ?
Cet article propose d’illustrer cette question par deux sujets liés « l’action pour la Paix » et « la lutte antifasciste » qui furent deux pans majeurs de l’action militante de Pierre Semard ; on notera également au travers les écrits de Pierre Semard que celui-ci imbrique ces sujets à l’action revendicative et à l’unité des travailleurs dans leurs actions contre la bourgeoisie. Il convient bien évidemment de toujours replacer ces écrits dans le contexte des années 1920-1930, fortement imprégnés des traumatismes de la Première Guerre mondiale. En 2024, les conflits armés à travers le monde endeuillent de nombreuses populations et les populismes de tous poils tentent toujours de surfer sur les misères du monde pour imposer leur vision réactionnaire.
Défendre la Paix
Photo : La guerre du Rif, Pierre Semard, 1926. © Coll. gallica.bnf.fr / BnF
Pierre Semard s’était déjà engagé en 1923 contre l’occupation de la Ruhr en Allemagne, puis en 1924 contre la guerre du Rif, au Maroc. Ces actions d’alors lui valurent d’être emprisonné.
Il fut également un ardent défenseur de la cause républicaine espagnole, de sa lutte contre le fascisme de Franco, soutenu par Hitler et Mussolini ; Pierre Semard écrira à ce propos de nombreux articles dans La Tribune des cheminots rappelant que la CGT réclamait que la société des nations (ancêtre de l’ONU) joue pleinement son rôle en prenant des mesures énergiques à l’encontre des états fascistes agresseurs de l’Espagne républicaine. Il soulignait également dans ces articles l’urgence de réaliser la solidarité entre tous les peuples attachés à la Paix, en créant l’unité d’action internationale.
En octobre 1938, Pierre Semard intervient au congrès de la fédération en ces termes « … nous devons défendre la Paix. Ce qu’il faut en dehors de l’entente des démocraties c’est une plus grande union de notre peuple. Dans notre pays, en ce moment, il n’y a encore que l’entente des peuples qui puisse nous sauver du fascisme intérieur et du péril extérieur… enfin, avec notre union du peuple dans notre pays, il faut réaliser l’union et l’action internationale des peuples… nous considérons que l’unité internationale est une nécessité pour sauvegarder les libertés et la Paix. Nous œuvrerons inlassablement pour que celle-ci se réalise le plus vite possible. » Ce sera l’un des dernières interventions publiques de Pierre Semard avant son arrestation en octobre 1939 et son assassinat le 7 mars 1942.
« … Lorsque les organisations nationalistes et fascistes entrent en scène, c’est la bourgeoisie qui agit ».
Ainsi s’exprime Pierre Semard en page 2 de La Tribune des cheminots [unitaires] n° 393 du 15 février 1934 (voir l’article complet sur la bibliothèque numérique).
Unité des travailleurs, solidarité internationale et défense de la République sont au cœur de cet article. Pierre Semard fustige les menées fascistes en Allemagne, en Autriche, en France qui conduisent à ce que « le sang des travailleurs rougit les pavés » titre son article.
Il poursuit « le fascisme et les mesures fascistes sont employés par la bourgeoisie pour tenter d’écraser le prolétariat et de détruire son avant-garde révolutionnaire ; combien nous avions raison de dire que l’aggravation de la crise et la poussée révolutionnaire des masses conduisaient la bourgeoisie à employer de plus en plus des solutions de force, des moyens de violence inouïe contre la classe ouvrière… »
Photo : Benoît Frachon, Pierre Semard, Gaston Monmousseau et Gabriel Péri. © IHS Cheminots
Pour Pierre Semard, l’action des ligues fascistes du 6 février 1934 « est une tentative audacieuse de la bourgeoisie d’écraser la classe ouvrière pour mieux l’opprimer, lui voler encore sur son salaire et pour supprimer ses libertés syndicales et politiques… Le 12 février, par centaines de milliers ils (les travailleurs) se dressèrent unanimement dans tout le pays dans une grandiose journée de lutte contre le fascisme… C’est pour sauvegarder toutes leurs libertés, pour défendre leurs salaires, pour améliorer leurs conditions de vie et de travail que socialistes, communistes, confédérés, unitaires et inorganisés, ont lutté côte à côte. Ils comprennent que le danger fasciste s’aggrave, que leur existence, leur vie, celle de leur famille, sont toujours plus en péril et que la lutte commune doit continuer… Cette unité d’action doit être maintenue et développée largement dans tous les centres et tous les services, en faisant triompher nos mots d’ordre unitaires et nos propositions pour l’action revendicative et la lutte contre le fascisme et la guerre impérialiste, toujours plus menaçante. »
En 2024, agir pour la Paix et contre la montée des idées d’extrême droite demeure un combat d’une brûlante actualité.
Pierre Delanoue
Photo principale : CCN de la CGT en 1936. © IHS Cheminots