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Congrès de l'UFCM CGT à Tours du 15 au 17 octobre 2024

L'IHS était représenté par Thierry ROY, Président et Adèle DI MUCCIO, Jany MOINEAU, Christophe FARNAULT, membres du bureau.

Pourquoi vous parler de l’IHS ? Pourquoi consacrer du temps à m’écouter ? Parce que connaître notre histoire, la préserver, est vital pour notre organisation.

Je vais tenter de vous montrer que la connaissance de notre histoire sociale peut-être un apport qualitatif important au moment de ce congrès, où vous allez à votre tour marquer et orienter cette histoire au travers de vos documents d’orientation et de revendications.

L’histoire est un combat que nous devons affronter, car notre propre histoire en général et notre histoire sociale en particulier, nous sont disputées par les tenants de l’ordre et leurs relais, qui les combattent comme subversives, au même titre que nos conditions sociales, que nos valeurs et notre action revendicative comme le service public, le paiement des qualifications, la protection sociale, le droit syndical, comme également l’accès à la culture, au savoir et à la connaissance.

Penser, justement, c’est se demander comment on en est arrivé là et vous verrez alors que la connaissance de l’histoire révèle son intérêt pour l’avenir, en montrant le chemin parcouru, les étapes franchies, les défis affrontés à chaque moment, l’expérience accumulée qui ont forgé et renforcé notre analyse et nos convictions, que le chemin n’est pas prédéterminé, que l’on n’est pas, comme certains en rêvent tout haut, à la fin de l’histoire.

Nous avons besoin encore de démontrer que l’apport de nos luttes revendicatives a été essentiel dans les évolutions de la société, sur l’évolution des conditions sociales.
Et là vous avez besoin de l’histoire. Pour exposer un point de vue donnant toute sa place à l’action collective, à la lutte pour l’émancipation des salariés tant exécution que maîtrises et cadres.
Il est vrai que pressé par « le tournis » de l’actualité, des pressions de l’action revendicative et des réactions aux mauvais coups sociaux, vous n’avez souvent guère le temps de lever la tête du guidon pour regarder l’horizon, ni d’ailleurs dans le rétro pour voir d’où vous venez.

Comment expliquer ou débattre de la situation en Palestine si on ne connaît pas l’histoire.
Aujourd’hui nous voyons chaque jour sur nos écrans la tragédie que vivent les Palestiniens. Depuis un an, le droit à la sécurité d’Israël s’est transformé en une destruction méthodique de Gaza.

Aujourd’hui l’asymétrie est évidente entre un peuple qui dispose d’un État, de technologie militaire avancée grâce à ses parrains occidentaux, et un autre sans terre, à qui l’on nie le droit à disposer de son propre État.

L’impunité des gouvernements israéliens successifs, qui ont piétiné plus de 200 résolutions de l’ONU depuis des décennies, démontre le besoin de repenser le système international. Netanyahou s’attelle désormais à régionaliser le conflit en attaquant le Liban et, peut-être, demain l’Iran, avec des conséquences incommensurables.

Il est impossible de comprendre la tragédie que vivent Israéliens et Palestiniens sans remonter aux origines du conflit.

Le 14 mai 1948, l’État d’Israël a vu le jour, mais pas l’autre État – arabe – prévu par le plan de partage des Nations Unies. Pourquoi ? Et pourquoi des centaines de milliers d’Arabes palestiniens ont-ils pris le chemin de l’exil ?

Et pourquoi la guerre de 1948-1949 n’a-t-elle pas débouché sur une paix durable entre Israël et ses voisins.

En Palestine, l’histoire se répète. Régulièrement, inexorablement, impitoyablement. Et c’est toujours la même tragédie.

Chaque fois, la crise se résume à une vérité limpide : la persistance depuis des décennies de l’occupation israélienne, du déni des droits fondamentaux du peuple palestinien et de la volonté de le chasser de ses terres.

Bien sûr je n’ai pas le temps dans cette intervention de revenir sur toutes ces questions mais sachez qu’elle trouve réponse dans notre histoire d’ailleurs le prochain cahier de notre IHS que reçoivent les adhérents reviendra longuement sur ce sujet.

Comment débattre du Front national de son ascension si on ne connaît pas l’Histoire.

Mais pour affronter efficacement l’extrême droite, encore faut-il comprendre ce qu’elle est et ce qu’elle porte.

L’histoire nous apprend que le monde du travail n’est pas imperméable aux idées véhiculées par l’extrême droite. Plusieurs faits dans les années passées, comme l’enracinement du Front national dans les scrutins électoraux, la médiatisation de militants syndicaux s’affichant ouvertement comme frontistes ou encore la difficulté à mener le débat sur la nature et le programme de l’extrême droite, y compris à l’intérieur de nos syndicats en témoignent. Il est évident que la lutte contre l’extrême droite concerne les organisations syndicales.

La matrice du Front national est incontestablement fasciste, que reste-t-il de cet héritage ? Aujourd’hui, le terme utilisé par les médias pour le qualifier est celui de populiste ou national populiste.

Mais la seule question qui demeure est simple : le changement de style opéré par Marine Le Pen correspond-il à un véritable renouvellement de l’offre politique frontiste et à une adaptation idéologique ou traduit-il plutôt l’opportunisme foncier et l’habileté d’une dirigeante qui maîtrise parfaitement les codes de la communication politique et qui ne change en rien l’idéologie fasciste de ce parti. L’histoire peut nous dire beaucoup sur ce sujet permettant de démasquer le Front national.

C’est pour cela que la CGT notamment son IHS n’est pas resté inactif sur cette question en publiant un certain nombre de documents, le dernier en date est un livre de Jérôme Beauvisage paru dans la collection repères historiques sur « L’extrême droite – permanence et métamorphoses » c’est un petit livre qui se lit vite et contient beaucoup d’éléments pour combattre l’idéologie portée par l’extrême droite à condition que nos militants, nos syndiqués se le procurent et surtout le lisent.

Notre Institut CGT d’histoire sociale des cheminots vous propose, sans relâche, de vous approprier votre histoire.

Le cahier spécial de l’IHS que nous avons sorti en 2017 sur les 80 ans d’histoire du syndicalisme des maîtrises et cadres démontre cette volonté.

Nous avons été heureux de travailler pour ce numéro spécial avec la direction UFCM de l’époque et d’autres plus anciens qui se sont consacrés et ont marqué la vie de l’UFCM depuis tout ce temps, du moins pour la partie la plus contemporaine, mais ayons aussi une pensée pour les défricheurs des premières heures qui peuvent être fiers des choix réfléchis sur lesquels ils ont engagé notre syndicalisme et dont vous avez hérité aujourd’hui. Et c’est à vous de « jouer » désormais.
Ce cahier est disponible en ligne sur notre site.
La tenue du congrès de l’UFCM est l’occasion de se (re) plonger dans sa lecture.

Il y a tant à connaître et à transmettre sur chacune de ces années passées.

Notre histoire nous montre aussi que notre organisation a toujours su s’organiser pour mener le combat et rebondir et il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement aujourd’hui. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain et le rapport de force peut renverser des montagnes et atteindre des objectifs, qui semblent inatteignables.

Quand on connaît le chemin parcouru, ses grandes lignes ou les moins connues, les embûches franchies comme les pas de géants effectués, les interrogations suscitées comme les certitudes affirmées, on est mieux à même d’appréhender les questionnements qui nous assaillent aujourd’hui et ainsi se projeter dans l’avenir que vous avez maintenant entre vos mains.

Nos outils informatiques comme notre bibliothèque numérique facilitent cet accès à notre histoire sociale.

Car, nous militons pour une étude accessible de l’histoire sociale, et opposée à une histoire aseptisée ou officielle.

Nous œuvrons pour une utilisation de nos sources les plus élargies possibles comme autant de pièces à conviction de nos actes, de nos faits et gestes.

Notre activité est d’étudier l’histoire sociale à partir d’une pratique scientifique et d’en permettre un usage vers nos adhérents, comme réserve pour leurs réflexions, comme une information continue complétant leur formation syndicale (où parfois leur absence de formation syndicale).

Cette connaissance demande bien sûr effort de lecture pour nourrir l’esprit, en aidant à dépasser la cadence médiatico-politicienne et l’immédiateté étouffante qui vous environne et vous contraint.
Un autre aspect, et qui vous concerne directement est de décentraliser cette histoire, pour ne pas traiter que de sujets nationaux, ou d’activités nationales, mais de s’appuyer sur les réalités diverses vécues dans nos secteurs et syndicats. Notre Institut attache beaucoup d’importance à l’histoire de proximité pour ne pas éloigner l’analyse et l’interprétation des faits, des lieux et des militants qui, dans les syndicats, ont vécu ou ont reçu en direct les échos des évènements, des luttes, des conflits qui ont jalonné l’histoire de la corporation des cheminots…
…Cela m’amène à vous dire deux mots sur la nécessité de veiller sur vos archives papier et numérique.

Aujourd’hui, les traces de notre activité sont souvent éclatées, dispersées et particulièrement fragiles même si des efforts sont faits dans certains secteurs et syndicats. Les archives syndicales sont souvent lacunaires ; malheureusement il y a eu de nombreuses pertes et destructions irrémédiables.

Si cela s’explique pour certaines périodes, notamment par l’Occupation, la clandestinité ou les scissions, trop d’archives ont été détruites par négligence, manque de temps, de place (lorsque les armoires et bureaux débordent) ou par manque de précaution lors des déménagements, toujours dangereux pour les archives.

Or, l’histoire se nourrit de faits précis que la seule mémoire humaine ne peut remplacer. Trop souvent, nous oublions que l’histoire s’écrit au quotidien : chaque jour dans le cadre de nos activités syndicales, quelle que soit notre position, nous produisons et recevons des documents (tracts, comptes rendus, déclarations, courriel…). L’ensemble de ces documents qu’ils soient numériques ou papiers constitue notre patrimoine commun dont la responsabilité est collective.

À la création du mouvement syndical, les trois fonctions essentielles étaient : le secrétaire général, le trésorier et l’archiviste.

Le soin à apporter à ce patrimoine collectif relève donc de notre responsabilité à toutes et tous.

Cette sensibilisation à l’intérêt d’un travail sur l’histoire, pour l’activité syndicale d’aujourd’hui et de demain, repose pour commencer sur l’adhésion à l’IHS de toutes les structures de notre Fédération.

Rappelons que ce fut une orientation du congrès de Lille il y a 27 ans, à la naissance de l’IHS.
Si des progrès ont été faits, nous avons encore des efforts à faire…
…La première mesure serait que ceux qui ne sont pas adhérents à l’IHS parmi les participants à ce congrès passent au stand de l’IHS pour adhérer et là on a du potentiel…

…Comme disait le poète Paul Éluard, « Pour être heureux, il faut simplement y voir clair – et lutter sans défaut ». Nous espérons que l’Institut d’histoire y participe sur le créneau qui est le sien et que vous l’y aiderez.

Je vous souhaite bon congrès à toutes et tous.

Thierry ROY, Président de l’IHS Cheminots

 

Photos © C. Farnault