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20e assemblée générale le 20 décembre 2018 à Montreuil

Patrick Chamaret a présenté une introduction aux travaux « remerciant les 87 inscrits présents à cette 20e assemblée générale », puis a souligné que l’année 2018 aura été placée tout au long des 12 mois écoulés sous le signe des luttes « avec en bonne place, celle de la corporation unie, tirée par notre fédération bien évidemment au premier semestre, et celle dites des Gilets jaunes en cette fin d’année. »

Si un premier point les rassemble, l’opposition à la politique gouvernementale de libéralisation de l’économie et ses passages en force, on peut en ajouter un deuxième qui les relie, celui bien réel du pouvoir d’achat. Mais les réponses, propositions et revendications portées sont parfois bien différentes, de même, également, que le traitement médiatique de l’un par rapport à l’autre. Ces simples remarques basiques sont déjà des indicateurs.

Un point les sépare nettement : « l’Arc de triomphe sous lequel les cheminots se rassemblent chaque 10 août » pour honorer les leurs tombés pour la France, la liberté face aux Nazis. Des gilets jaunes, suivistes ou noyautés, loin de ces valeurs profanent, eux, ce lieu symbolique. Sans doute par ignorance de l’Histoire, de notre histoire pour certains, mais d’autres, aussi, bien en connaissance de cause.

En tant qu’Institut d’histoire sociale, ces actions n’entrent pas à chaud dans notre champ d’analyse et de responsabilité. Mais quand viendra le temps des historiens, pour ceux qui nous succèderont, pourront en analyser les caractéristiques, les contenus et les faire entrer dans l’histoire sociale.
Pour l’instant, nous remarquons les points de convergence de ce phénomène d’actualité, de mal vivre, de cherté de la vie ou encore du trop de taxations fiscales que nous dénonçons nous-mêmes.
Avec la précision, à rappeler en ce qui nous concerne et importante dans le moment présent, qu’on ne se bat pas contre les impôts, taxes et cotisations en général, mais contre un système fiscal et social de plus en plus injuste et inefficace.

Patrick Chamaret a ensuite feuilleté, à grands traits, l’histoire de France qui a connu de nombreux mouvements sociaux autour de la vie chère « c’était même l’un des motifs de la Révolution française avec un courant réclamant la taxation contre les accapareurs, c’est-à-dire ceux qui spéculent sur la pénurie pour faire monter les prix. »

C’est ainsi qu’il a montré que « notre propre histoire de la corporation, maintes fois contée mais toujours utile, nous a montré comment la revendication unificatrice pour une thune’ en 1910, rapportée au prix du pain, fut contrée par une forte répression et de nombreuses révocations ; les cheminots apprirent aussi de leur conflit que la forme d’action ne pouvait pas être que le mythe de la grève générale à tout coup, apprenant aussi ce qu’était un rapport de force différé quand la revendication fut satisfaite dans l’année même qui suivit leur action.
Il suffit de feuilleter un peu plus encore notre bibliothèque numérique pour retrouver des moments revendicatifs nombreux et instructifs sur ce thème, et combien des générations de cheminots l’ont porté pour faire évoluer leurs conditions sociales, statutaires et notamment salariales.

Par exemple, dans le Bulletin mensuel d’août 1916 du syndicat national des travailleurs des chemins de fer de France et des colonies, quelques mois avant que ne se crée la Fédération, nos camarades écrivaient :
‘La cherté toujours croissante des vivres nous mène dans une situation tout à fait gênante : qu’allons-nous devenir ? Nous payons les légumes à des prix inabordables, nous ne parlons pas de la viande ni de la volaille impossible à la petite bourse d’en approcher, ni vin également.
Que faire ? Travailler plus qu’on ne peut avec cette température et danser presque devant une table, manger peu et boire de la piquette.
Il est tout à fait impossible à des poseurs, des nettoyeurs, des hommes d’équipes, des laveurs de vitres de vivre, certains sont obligés, après leur journée ou leur nuit finie, d’aller aux travaux des champs ou travailler ailleurs de leur métier. La Compagnie, [ils parlaient du PO Paris /Orléans] devrait faire quelque chose, elle le peut, l’indemnité de résidence est supprimée et pour ces catégories d’agents parce que non commissionnés : c’est le pire, vraiment c’est une injustice de refuser à tous les cheminots le salaire que vaut leur travail… Les autres catégories souffrent également de cette cherté de vie toujours croissante ; seuls les traitements élevés arrivent à faire face, tandis que le reste s’endette sur les crédits ou autres ; cet état de choses favorise la décadence et arrivera à mettre en péril la sécurité nationale’ ».

On pouvait trouver dans La Tribune des cheminots du 8 novembre 1937, (en pleine pause du Front populaire) le titre : « Pas de surenchère ! Pas de démagogie ! Mais des salaires permettant de vivre ! »

Patrick a cité cet extrait de l’article : « Il faut que le gouvernement sache que devant la hausse injustifiée du coût de la vie, hausse voulue par les oligarchies financières et les 200 familles, les cheminots ne peuvent plus vivre, ni accepter de continuer à travailler avec des salaires de famine. »
Le texte se concluait ainsi « Les cheminots ne veulent ni surenchère, ni démagogie, mais des salaires permettant de vivre, et sont décidés, en accord avec leur fédération, à passer à l’action pour avoir complète satisfaction ».

Puis Patrick Chamaret a rappelé 1968, « que vous venez de revivre dans les Cahiers de l’institut, avec sa construction, ses revendications, ses alliances et discordes, sa violence aussi et ses acquis qui permirent une augmentation du SMIG de 30 % et une revalorisation générale des salaires, entre autres. Certains ont comparé l’actuel séquence à cette période, sans doute un peu vite, en ne se rappelant que les barricades… analyse un peu courte quand même… Vous avez les éléments de jugement dans les Cahiers n°65 ; en passant, avez-vous remarqué, dans cette séquence 2018, la discrétion du Medef, en fait très peu sollicité… ?

Toujours en remontant le temps et plus près de nous, en 1973, sous la plume de Georges Lanoue dans la Tribune des cheminots de décembre, la Fédération s’adressait à toutes les organisations syndicales de cheminots ‘afin de rechercher ensemble l’unité d’action la plus large sur la base d’une plate-forme revendicative commune suite aux actions des cheminots de septembre et octobre1973 […] et plus particulièrement en décembre dans le cadre de la grève générale contre la vie chère et l’inflation et pour la défense du pouvoir d’achat des travailleurs et des classes laborieuses montrant la profondeur du mécontentement dans la corporation’.

Georges écrivait ensuite ‘Pour faire admettre sa politique d’austérité, le pouvoir se livre à un véritable chantage exploitant d’une façon éhontée la crise énergétique et la menace du chômage’.
Et pour finir avec ces rappels, je ne peux que citer la une du n°493 du 16 janvier 1974 de la Tribune des cheminots, qui titrait LA CRISE, OÙ VA L’ARGENT ? en montrant alors la répartition des prélèvements sur 1 litre d’essence, 54,9 % au fisc français,22,8 % aux compagnies pétrolières et 22,3 % aux pays producteurs. »

Le Président Patrick Chamaret a conclu ainsi ce passage : « Vous savez que notre institut essaie de coller au plus près de l’activité et du présent pour l’éclairer à partir des éléments partiels ou plus globaux que notre expérience, nos acquis des luttes, notre histoire en fait, nous ont enseignés, sans devenir pour autant des solutions universelles, contribuant à façonner une culture de l’analyse, du sens de la décision opportune… ce dont ont besoin les adhérents de l’institut, individuels ou collectifs, pour leurs actions syndicales ou citoyennes. »

Les travaux plus complets de l’assemblée générale, le bilan d’activité et le bilan financier ainsi que les projets pour 2019 seront développés dans les Cahiers de l’institut à venir.

Tous nos vœux de bonheur, de santé et de solidarité pour 2019